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Au Théâtre des Lucioles

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Les moutons noirs

 

Madame Réveil avait une mine patibulaire ce matin. Peut-être à cause de ces bribes de rêves qui restent à la surface et qui ont ce sale aspect vaseux. Je digère mal ce genre d'images réminiscentes. J'aime pas avoir cette saloperie de sensation de vivre dans les songes et de plonger, une fois le règne du soleil avancé, dans cette léthargie profondément ennuyeuse. Pire que ça y a pas.
Les journées sont de longues et pénibles attentes de cette vie nocturne. Là et lasse de tout. Même pas envie d'aller profiter du soleil. Attendre. Encore. Toujours.


Je ne sais pas trop quand ça a bien pu commencer. Autant que je me souvienne, j'ai toujours eu la tête en l'air. Bien en l'air. Très haut. Mais à l'époque les pieds jeunes savaient se cramponner au sol. Pas qu'ils soient de vieux croulant aujourd'hui, mais symboliquement ça y ressemble beaucoup.
Avant, il y avait les gens. Ceux qui vous font miroiter un semblant de vie sociale. Aujourd'hui ce joli tableau a été passé quelque peu à l' éponge. Sans doute est-ce le désir d'accéder bien plus pleinement à la sérénité que m'apporte cette vie intérieure ou plutôt devrais-je dire cette vie d'autiste? Peut-être. Certainement.


Lorsque je daigne faire l' effort de descendre de mon nuage, afin d'essayer de renouer avec l'extérieur, une boule se forme et se coince dans mon ventre. Elle me fait terriblement mal et me donne la nausée. Regarder autour de moi ces gens qui déambulent laissant un marasme de crasses et de vulgarité s'étaler derrière eux à chaque passage. Je hais. Je hais. JE HAIS.
Lorsque  je regarde ce triste et décadent spectacle, j'ai du mal à comprendre. Du mal à comprendre comment ILS font. Je vois des robots, les mêmes tous fabriqués en série qui marchent tous vers un avenir prédeissiné. Le même pour tous. Triste tableau, mélodie grinçante.
J'ai essayé de faire comme eux, de m'insérer dans leur jeu. Trop épuisant de faire semblant. Et je me noie encore. De plus en plus.


Je me dis qu'avec le temps, cette crise de putain d'ado dépressive s'évaporera doucement...


Alors j'attends.


J'ai déjà dix-neuf ans et ne grandis toujours pas. Est-ce qu'un jour le soleil se lèvera ?

Ecrit par Meilah, le Mercredi 14 Juillet 2004, 16:03 dans la rubrique "¤".